Chaque jour, dans sa chronique “L’innovation du jour”, Anicet Mbida nous livre ce qui se fait de mieux en matière de nouvelles technologies. Mardi, il se penche sur une nouvelle technique mise au point par une université américaine qui permet de convertir la chaleur perdue naturellement par le corps humain en électricité.
Et si notre énergie corporelle signait la fin des piles dans les montres et autres bracelets connectés ? C’est l’idée derrière une montre connectée, encore au stade de prototype, fabriquée par l’entreprise Matrix Industries. Mardi, dans sa chronique “L’innovation du jour”, Anicet Mbida nous présente cette technologie mise au point par l’université américaine de Boulder, dans le Colorado. Concrètement, ce procédé permet de convertir la chaleur perdue naturellement par notre corps en électricité. Car si la température interne d’un être humain est de 37 degrés Celsius, elle n’est que de 33 ou 34 degrés Celsius à l’extérieur.
Depuis leur apparition sur le marché il y a une petite dizaine d’années, les montres connectées, ou “smartwatch”, ont révolutionné l’univers du high-tech. Non seulement capables d’exécuter des applications mobiles, elles sont aussi devenues les fidèles compagnons des personnes soucieuses de leur santé en mesurant tout leur activité physique : fréquence cardiaque et respiratoire, podomètre, calories et même qualité du sommeil.
Mais il y a un problème que les fabricants de smartwatch n’ont jusqu’ici par réussi à résoudre : celui de la charge. Pour pouvoir être rechargés, ces appareils portables et sans fil sont souvent déconnectés de notre corps pendant la nuit. Ce qui les empêche de relever la qualité du sommeil et ses caractéristiques, qui “contiennent beaucoup d’informations importantes sur l’état de santé des patients”, souligne Sunghoon Ivan Lee, professeur adjoint au College of Information and Computer Sciences de l’université du Massachusetts Amherst et directeur du Advanced Human Health Analytics Laboratory.
Mais ce chercheur a peut-être trouvé à une solution à ce problème. Associé à Jeremy Gummeson, ingénieur en informatique portable à l’UMass Amherst, il a cherché un moyen de recharger en permanence ces dispositifs sur le corps afin qu’ils puissent surveiller la santé de l’utilisateur 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Utiliser la peau comme conducteur d’électricité
La solution qu’ils ont trouvée n’est autre que celle d’utiliser la peau humaine comme matériau conducteur. “Nous pourrons alors inciter les gens à faire des choses comme le suivi du sommeil, car ils n’auront jamais à enlever leur montre pour la recharger”, explique le Pr Lee.
Dans un article publié dans les Proceedings of the ACM on Interactive Mobile, Wearable and Ubiquitous Technologies, les chercheurs expliquent comment la technologie utilise le tissu humain comme moyen de transfert de l’énergie. “Dans ce dispositif, nous avons une électrode qui se couple au corps humain, que l’on peut considérer comme le fil rouge, si l’on pense à une batterie traditionnelle avec une paire de fils rouge et noir”, détaille le scientifique.
Le fil noir classique est lui établi entre deux plaques métalliques intégrées à la montre connectée, et à un autre objet du quotidien instrumenté (ordinateur portable, voiture…), par lequel passe l’énergie.
Ce prototype a été testé auprès de 10 personnes dans trois scénarios au cours desquels le bras ou la main des individus est entré en contact avec l’émetteur d’énergie – soit en travaillant sur un clavier de bureau ou un ordinateur portable, soit en tenant le volant d’une voiture.
En envoyant 0,5 à 1 milliwatt (mW) de courant continu dans le dispositif porté au poignet et en utilisant la peau comme moyen de transfert, les chercheurs ont été capables de recharger la montre, sans que cette petite quantité d’électricité ne soit dangereuse pour la santé.
“Vous pouvez considérer que la quantité d’énergie transmise par notre technologie est à peu près comparable à celle qui est transmise par le corps humain lorsque vous vous tenez sur une balance de composition corporelle, ce qui pose des risques minimes pour la santé”, affirme le Pr Gummeson.
Un volt par centimètre carré
La technique qui permet de générer environ un volt par centimètre carré de peau. C’est assez peu, mais appliquée sur toute la surface d’un bracelet, cette technologie permet de générer cinq volts. Largement suffisant pour alimenter une montre, un capteur de glycémie ou encore un bracelet connecté. Les chercheurs réfléchissent également à adapter cette technologie pour les pacemakers : cela permettrait d’éviter aux patients équipés de ce dispositif de devoir repasser sur la table d’opération pour en changer la pile. Une opération certes anodine mais qui n’est pas exempt de possibles complications.
Pour l’instant, seule la montre connectée de Matrix Industries est équipée de cette technologie qui mettrait fin aux piles. Il faut donc s’armer encore de patience pour voir la fin des piles dans les montres.
Une charge absolument indolore
D’après les chercheurs, le contact avec l’émetteur d’énergie est absolument indolore car “cela se situe bien au-delà de la gamme de fréquences que l’homme peut percevoir”.
Pour l’instant, le prototype ne produit pas assez d’énergie pour faire fonctionner en continu un appareil sophistiqué tel qu’une Apple Watch, mais il pourrait prendre en charge les trackers de fitness à très faible puissance tels que Fitbit Flex et Xiaomi Mi-Bands.
L’équipe travaille désormais à l’amélioration du taux de transfert d’énergie dans les montres connectées. “Nous imaginons qu’à l’avenir, en optimisant davantage l’énergie consommée par les capteurs des vêtements, nous pourrons réduire et, à terme, éliminer le temps de charge”, conclut le Pr Gummeson.